Ad impossibilia nemo tenetur, en latin “Nul n'est tenu à l'impossible”, est une maxime juridique fondamentale qui établit un principe d'équité en droit. Elle signifie qu’une personne ne peut être contrainte de réaliser une obligation ou une tâche si cela est objectivement impossible.

Ce principe repose sur des notions universelles de justice et de raisonnabilité, largement reconnues dans les systèmes juridiques contemporains.

La maxime ad impossibilia nemo tenetur est ancrée dans le droit romain. Les jurisconsultes romains considéraient que les obligations légales devaient être réalistes et réalisables. Ainsi, une obligation devenue impossible à exécuter était jugée nulle.

Pendant la période médiévale, les juristes ont intégré cette maxime dans les principes du droit canonique et du droit coutumier. Elle servait à modérer les règles strictes et à garantir un équilibre entre les exigences de la loi et les capacités des individus.

Aujourd'hui, ce principe est appliqué dans divers domaines juridiques pour protéger les parties d'une contrainte déraisonnable. Il est également utilisé pour évaluer les responsabilités et les sanctions en cas de non-exécution d’une obligation.

En droit des obligations, l’exécution devient impossible lorsqu’un événement imprévisible et irrésistible empêche une partie de remplir ses engagements.

• Exemple : Une entreprise de livraison ne peut être tenue responsable si un tremblement de terre empêche la livraison des marchandises.
• Articles pertinents : Article 1218 du Code civil (force majeure).

Le principe protège un individu de la responsabilité pénale si ses actes ou omissions sont dus à une impossibilité objective.

• Exemple : Une personne retenue prisonnière ne peut être accusée d’avoir omis de remplir une obligation légale nécessitant sa présence physique ailleurs.

Les autorités publiques doivent tenir compte des capacités réelles des administrés dans l'application des règlements ou des obligations administratives.

• Exemple : Un agriculteur ne peut être pénalisé pour non-respect d’une obligation environnementale si une catastrophe naturelle l’empêche de se conformer à la réglementation.

Les États invoquent ce principe dans les relations internationales pour justifier l’impossibilité d'exécution de certains traités ou engagements.

• Exemple : Un État touché par un conflit armé peut invoquer ce principe pour suspendre temporairement ses obligations de dette.

Pour invoquer ad impossibilia nemo tenetur, plusieurs critères doivent être remplis :

• Impossibilité objective : L’exécution de l’obligation est absolument impossible, et pas seulement difficile ou coûteuse.
• Absence de faute : L’impossibilité ne doit pas découler de la négligence ou de l’inconduite de la personne.
• Lien de causalité direct : Il doit être démontré que l’impossibilité découle directement d’un événement ou d’une circonstance imprévisible.

Une impossibilité invoquée avec succès doit démontrer que toutes les mesures raisonnables ont été prises pour tenter de remplir l’obligation.

Une impossibilité temporaire n’entraîne pas nécessairement l’annulation de l’obligation. La suspension peut être envisagée jusqu’à ce que l’exécution devienne possible.

L’impossibilité peut être contestée par la partie adverse, qui pourrait argumenter que l’exécution était en réalité possible avec des efforts supplémentaires.

En 2010, l’éruption du volcan Eyjafjallajökull en Islande a interrompu le trafic aérien dans toute l’Europe. Les compagnies aériennes ont invoqué l’impossibilité d’exécuter leurs obligations contractuelles pour justifier les annulations de vols.

Plusieurs États en crise économique ou touchés par des catastrophes naturelles ont invoqué ce principe pour renégocier ou suspendre temporairement leurs obligations de remboursement envers les créanciers internationaux.

• “Lex non cogit ad impossibilia“ : (“La loi n'oblige pas à l'impossible”) : Une maxime juridique proche, utilisée pour exprimer le même principe en droit.
• ”Nemo tenetur se detegere“ : (“Nul n’est tenu de s’accuser soi-même”) : Cette maxime est appliquée dans les contextes où une contrainte injuste pourrait être exercée sur une personne.

Le principe ad impossibilia nemo tenetur illustre une exigence fondamentale de justice dans les relations humaines. Il impose un équilibre entre les règles juridiques et les réalités concrètes, rappelant que le droit doit toujours s’inscrire dans le cadre du possible.

Ad impossibilia nemo tenetur demeure un pilier fondamental du droit, assurant que les individus ne soient pas contraints au-delà de leurs capacités. Appliqué avec discernement, ce principe garantit la justice et la raison dans l’application des lois et des obligations, tout en préservant la confiance entre les parties et envers les institutions juridiques.